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Père Amédée
Voici un résumé de la vie de mon oncle, moine cistercien, docteur en théologie
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Le 27 octobre 1875 à Peillac, Jean-Marie HURTEL épousait Jeanne Marie Roux. Ils habitaient LE FRENOT. La famille s'agrandit et compta 9 enfants.
Parmi ces enfants :
Pierre HURTEL épousa Eugènie DEBRAY et resta au Frénot .
Jeanne-Marie HURTEL épousa Jean-Louis JOUVENCE et il habita la Piaudais.
Françoise HURTEL épousa Joseph HALLIER et s'établit à la Ville Cancouêt
Voilà le terroir délimité où va se passer l'enfance de Jean-Louis HALLIER, il y a entre ces 3 fermes quelques centaines de mètres ou plus
Joseph HALLIER (le père du tappiste) connut quelques années de bonheur tranquille et laborieux. Le 25 mars 1913 naissait Jean-Louis qui fut baptisé le lendemain par le vicaire Monsieur Le Nué.
Mais en 1918 la grippe espagnole emporta la maman Françoise HURTEL. Elle avait 32 ans et laissait 7 orphelins. Pas question pour la famille de laisser le papa dans une pareille situation. C'est ainsi que deux orphelins : Jean-Louis et Cécile furent pris en charge au Frénot.
Jean-louis avait alors 5 ans. Il va connaître l'existence des enfants de la campagne en ce temps là. Il rendra quelques petits services et il va garder les vaches et les mener boire au doué de la Grande Noë. IL nouera quelques solides amitiés avec ses frères et sœurs, ses cousins et cousines (entre le Frénot, la Piaudais et la Ville Cancouët ils sont 16).
A l'âge de l'école, il ira au bourg par les sentiers. Selon l'usage du temps garçons et filles ne se mélangaient pas. Le directeur de l'école était alors Monsieur DARE qui ne fut pas sans remarquer l'intelligence et l'application du jeune Jean-louis HALLIER. En ce temps là, le clergé comme les religieux étaient en recherche de sujets susceptibles de répondre à une vocation.
Monsieur DARE pensait au juvénat des Frères de Ploërmel qui était à Hennebont et il proposa à plusieurs de ses élèves d'y aller. Mais il y avait aussi un vicaire plain d'allant ordonné prêtre en 1905 et qui envoyé à Peillac en 1906 pour y rester jusqu'en 1930. Si Monsieur DARE put conserver Jean-Louis HALLIER pour sa congrégation, Monsieur Le Nué, vicaire proposa des leçons de latin à deux autres sujets qui allèrent l'un au petit séminaire de Ploërmel et l'autre à Redon au collège ST Sauveur tenu par les eudistes.
C'est ainsi que le 27 Août 1927, Jean-Louis HALLIER agé de 14 ans s'en alla à St Hervé d'Hennebont pour un an, car on ne revenait pas aux vacances de Noël et de Paques.
Le 15 Août 1928, Jean-Louis quittait la France pour aller à Jersey, les lois antireligieuses françaises ayant exilé les congrégations
A jersey il fit un an de noviciat et le 15 Août 1929 à l'àge de 16 ans, il prononçait ses premiers vœux qui le liait à la congrégation des Frères du Père La Mennais.
Jean-Louis (Frère Gonzague-Louis)
En 1930, il est nommé à Hennebont comme instituteur pour faire la classe aux juvénistes de ST Hervé et il resta à ce poste jusqu'au service militaire.
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L'armée l'incorpora au 35 ème régiment d'infanterie et au vu de ses capacités d'instituteur, elle fit de lui un radiotélégraphiste. Il profita de ses temps libres pour s'initier au latin car il avait deux amis, un jésuite et un eudiste.
Le service accompli, il regagnait St Hervé pour reprendre sa fonction d'enseignant pendant 2 ans 1935 et 1936. En 1937, il reçut sa nomination pour repartir à Jersey où il aurait à faire la classe aux jeunes frères en formation.
En Août 1939 les bruits de guerre se font plus insistants. Le frère Gonzague-Louis (Jean-Louis HALLIER) a quitté Jersey pour pendre ses vacances au pays. On note sa présence à la Ville Cancouët (15 Août), à Ploërmel (18 Août), à Malestroit le 22 Août d'où il écrit qu'il sera à Peillac dans quelques jours.
Jean Louis (militaire) Jean-Louis est debout au 1 er rang, 4 ème à partir de la gauche
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L'ordre de mobilisation arrive le 02 Septembre, il est à Jersey pour prendre quelques affaires. Ce n'est que le 15 Septembre qu'il rejoindra la caserne Feutras à Brest, il a quelques jours de retard mais l'heure n'est pas aux tracasseries administratives, il est affecté à la 2 ème compagnie et se demande s'il ne va pas faire les E.O.R (Ecole des Officiers de Réserve).
Le 15 octobre il a une permission de trois jours et à son retour, il apprend qu'il a changé de compagnie. Il envisage un possible départ pour le Levant (la Syrie).
En cette période où il faut vivre au jour le jour sans trop savoir de quoi demain sera fait, il prend soin de sa vie religieuse, assiste souvent à la messe et récite la rosaire. Il profite de ses temps libres pour rejoindre à 4 kms de la caserne une école tenue par les frères de sa congrégation. Début novembre; il pensait être affecté au 35 ème R.I. comme radio-télégraphiste, ce qui était sa spécialité. Il n'est pas désigné pour ce départ. Avec une vingtaine d'autres, il doit effectuer un stage de préparation à la formation des "bleus".
Fin novembre arrivent les nouvelles recrues à qui il fait tout apprendre; il est nommé instructeur, chef de chambre, chef de table. Lui qui aimait la vie active et les exercices, il se voit de plus en plus affecté au bureau avec des montagnes de paperasses.
Au mois de Mars, le voilà caporal-chef et aussitôt orienté vers l'examen pour devenir sergent (18 Mars 1940)
C'en est bientôt fini de la caserne Feutras, il se retrouve au camp de Sauges (au sud de Bordeaux) et se voit affecté au Bureau du Bataillon. C'est là qu'on doit mettre sur pied et équiper un régiment de tirailleurs sénégalais.
Il écrit que les conditions ne sont pas mauvaises, on couche sous des tentes mais dans de vrais lits, toutefois ce n'est pas du camping car le terrain est sablonneux et balayé par le vent et le sable s'infiltre partout.
Il connaît un environnement africain, <<il faut s'habituer à entendre le tam-tam et être témoin des prières à Allah >> écrit-il le 25 avril 1940.
La vie est monotone quand soudain se déclenche l'offensive allemande le 10 Mai 1940 et dès le 18, il envoie une carte disant <<on part le 19 >>...il est encore au camp de Sauges le 1 er Juin et déjà arrivent des victimes de la débâcle, des unités égarées. Le 8 Juin est formé le 2 ème Bataillon du 27 ème Régiment d'Infanterie coloniale mixte sénégalais.
Le moral semble ne pas s'effondrer. Il est secrétaire du commandant et il a l'esprit combatif, n'écrti-il pas <<j'ai un bon fusil et on a des munitions à la tonne>>.
Train vers l'Allemagne
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Le convoi roule très lentement vers le nord et arrive au Mans puis prend la direction d'Argentan. Avant le départ on les prévient, il y a risque de se faire mitrailler par les avions.
C'est cette nuit là, confiera quelques années plus tard le Père Amédée, qu'appuyé sur la porte du wagon, je me suis dit << si un jour, je reviens de cette aventure, je me consacre à quelque chose de plus radical >> et cette pensée fut tellement forte que longtemps après il pouvait dire << c'était le 16 Juin au soir >>
Devant l'avance de l'armée allemande qui avait franchi la Seine et prenait la direction de l'ouest, le train quitte Argentan pour prendre la direction de Cherbourg.
Le régiment se met en position à St Sauveur le Vicomte pour s'opposer à l'ennemi. Jean-Louis HALLIER écrit :<< nous avons tenu toute la matinée du 19 juin mais les allemands ont amenés des chars. Nous étions coincés, encerclés, pris au piège. Comme j'étais secrétaire du Commandant, avec lui et un interprète alsacien nous avons rencontré nos opposants qui nous ont contraints à capituler. Nous ne pouvions rien faire d'autre. Nous avons déposé nos armes sur la place publique et je n'oublierai jamais le regard et le visage attristé de notre Commandant qui avait les larmes aux yeux >>.
On nous fit prendre la direction de Bricquebec et sur la place devant l'église nous passâmes notre première nuit de prisonniers pour être ensuite dirigés sur St Lo et enfermés dans la caserne de Bellevue .
Les conditions déplorables de nourriture amenèrent la maladie et jean-Louis HALLIER fut tansporté à l'hôpital de St Lo, comme il l'écrivit lui-même << malade mais pas blessé >>
Sitôt qu'il eut recouvré un peu de santé, il réintègre sa prison. Il eut la chance d'être en contact avec quelques prêtres du département de la Manche et aussi avec une famille de St Lo qui lui procura tout ce qui lui manquait et avec laquelle il noua une profonde amitié. Il se trouvait que cette famille avait un fils qui était moine trappiste à l'abbaye de Bricquebec et dont elle était sans nouvelle. Quelques mois après, cette famille apprenait que leur fils trappiste, officier, avait été tué à Vittel (10 Août 1940), il s'appelait Père AMEDEE. Parmi les prisonniers, il y avait aussi un autre moine de Bricquebec, Le Père Bernard Poussin, avec qui Jean-Louis aimait causer et c'est là que son idée de << quelque chose de plus radical >> devint un désir d'essayer la vie de trappiste. Dieu va lui donner le temps de mûrir cette idée.
Courrier lancer par la lucarne d'un wagon en route pour Spandau et celui-ci est arrivé chez son Père.
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C'est le 22 Novembre 1940 que les prisonniers de St LO furent embarqués dans des wagons de marchandise pour gagner l'Allemagne avec comme provision de route du pain allemand bien gris et du saucisson ? pressentant bien que l'exil risquait d'être long; les voyageurs rédigeaient des messages et quand par la lucarne ils voyaient des civils au bord de la voie, ils laissaient la lettre s'envoler au vent dans l'espoir que ceux qui les verraient, essayeraient de les faire parvenir à leurs familles. C'est ce qui arriva pour quelques unes. Dans une de ces missives Jean-Louis précise qu'il vient de toucher sa paye 350 Frs, qu'il emporte quelques livres et que désormais ses lettres pourraient bien n'être pas sincères et qu'il faudrait savoir lire entre les lignes (23 Novembre 1940). Le 23 décembre, il est au delà de Berlin au camp de Spandau, le stalag III D.
(dessin d'un déporté) ....Les travaux manuels
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En juin 1941, il raconte qu'au début il a cru bon de se proposer pour travailler (on leur avait dit que c'était pour la Poste), en réalité le travail consistait à cheminer le long des lignes téléphoniques pour consolider ou changer les poteaux, travail très pénible à cause du froid intense. C'est pourquoi il renonça très vite au travail pour demander l'application des Conventions Internationales qui exemptaient les officiers du travail obligatoire. IL resta donc au camp avec une sitation meilleure mais à la date du 09 Février 1941 il en est toujours à attendre son premier colis et sa première lettre. Comme on a proposé aux prisonniers des cours pour apprendre l'allemand, il s'y met. Le premier colis arrive le 13 mars et ensuite à peu près régulièrement après un voyage d'un mois environ.
Jean-Louis apporte à l'étude de l'allemand ses capacités intellectuelles et son application tant et si bien que le 26 juin on lui permet d'aller seul du camp III D 700 au camp III D 712 pour enseigner l'allemand aux prisonniers qui en savent un peu moins que lui. Tout en enseignant, il se perfectionne et on ne peut oublier qu'il est spécialiste de l'enseignement, alors il propose à ses élèves qui n'ont pas leur << certificat d'études >> de se préparer pour l'obtenir et le 21 juillet 1941 il note lui même << je suis dans ma profession >> le 19 octobre de cette même année, il dévoile un peu son état d'âme. << Si vous saviez comme un prisonnier marque ses lettres, les prépare, attend, lit et relit. Et de son lointain exil son esprit revient à la Ville Cancouêt >>; <<Le 05 novembre prochain, je ferai dire une messe pour l'anniversaire du décès de ma mère >> Au début de 1942, les colis arrivent régulièrement et il note: << Noël et le 1 er de l'an : belle fête, belle messe, beaux chants, belle crêche, on nous octroie quelque peu de liberté. On peut sortir à 5 ou 6, mais on a défense de parler aux civils ou d'entrer quelque part.>>
Couchettes au stalag III D
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En avril 42, il fait état de certaines nouvelles arrivées de France et qui le révoltent. Il paraît que l'on dit en France qu'après tout, les prisonniers ne sont pas si malheureux que ça et il écrit: << ils n'ont qu'à venir voir ce que peut être la vie à 20 dans une chambre et voilà 2 ans qu'on est derrière des barbelés >>. Sans doute les prisonniers se donnent des activités : études, sport, théatre. Pour lui il est interprète << alors à longeur de journée je traduis, je traduis pour rendre service aux camarades >> et il a de ce fait beaucoup d'occasions de dialoguer avec les maîtres de la prison et il reconnaît dans une lettre de Mai 1942, que << quelques uns sont corrects >>, ce qui laisse bien entendre que la plupart ne le sont pas.
Septembre 1942, il est 3 mois sans colis et les lettres sont rares. L'activité des cours du soir reprend.
C'est aussi le temps ou l'armée allemande qui ne connaissait que des victoires se casse les dents sur Stalingrad.
Peut-être pour récupérer des soldats, l'état allemand envisage de faire passer les << prisonniers de guerre >> au statut de << civils >> et dès lors ils pourront être des travailleurs n'étant plus protégés par les conventions internationnales. On leur fait miroiter des avantages : liberté de correspondance, envois de colis, permissions. La méfiance est grande, ils appellent cela << la civilisation allemande >> On décide que quelques uns essayeront pour voir.... en réalité les civilisés ne sont plus encadrés par des sentinelles, mais c'est toujours les barbelés.
Dans une lettre du 28 Février 1943, il fait état de cette 3 ème année de captivité, il énumère ses multiples fonctions, il fait à la fois policier (dans le camp), interprète, professeur, facteur et parfois un peu banquier (un jour il a collecté 9000 marks).
8- Il circule assez librement vers la poste, la caserne, l'hopital. On le charge encore de présider, à la distribution de la bière, ce qui sans doute n'était pas une partie de plaisir. Il peut même aller à Berlin pour se procurer les habits de théatre et les décors. Il est désigné pour accompagner les malades chez le docteur ou le dentiste (là aussi il faut un interprète). 7 Mars 1943, Le 23 Mai il est heureux d'annoncer que 10 de ses élèves prisonniers ont décroché le certificat d'études. Depuis mars 1943, il y a des bombardements de Berlin, peut-être pour montrer que cela n'affecte pas leur moral, les allemands proposent aux prisonniers d'aller au cirque à Berlin. Nombreux sont ceux qui acceptent, Jean-Louis est du nombre et le 26 Juin il écrit << que voulez-vous entre bêtes en cage on aime bien se voir >>. 25 Juillet 1943, il écrit une longue lettre à son père à la Ville Cancouêt et pour la première fois il fait état de sa misère. Ce ne semble pas que ce soit pour lui, mais comme on met en commun les colis, il souffre de moins apporter que les autres. Le 10 octobre 1943, il annonce << je suis civilisé d'office >> et il explique << je dois travailler dans un bureau, il y a beaucoup de papiers à remplir, j'ai moins de sommeil, mais ce n'est pas dur >>. Etant << civil >> je vais pouvoir écrire, mais à part ça, nous restons << gardés >> Fin 1943, la vie continue << nous tenons le coup >> et il est heureux parce qu'il a reçu un colis du patronage de Peillac. Il ouvre un cours pour aider les illettrés. Le 20 décembre 1943 << les autres reçoivent beaucoup plus de colis que moi, je peux avoir la messe tous les jours >>.
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dessin) Entrée d'un camp 9- Le 24 janvier 1944, exagérez plutôt que d'attendre pour les colis, bientôt rien ne passera plus. Il ne faut pas être grand stratège pour prévoir qu'un jour la poste ne fonctionnera plus. Il écrit que les prisonniers avec des épingles suivent les mouvements du front car ils écoutent la radio allemande et Jean-Louis possède maintenant la langue et comprend tout. Comme les bombardements sur Berlin sont de plus en plus fréquents et intenses il faut faire une valise en bois pour emporter à chaque fois le plus précieux de peur que tout ne brûle. 29 février, j'ai reçu un colis, il faut profiter que ça passe encore. Mars 44, ça bombarde, on ne dort plus, ça passe encore. 18 Mai 44, 30 prisonniers tués sous les bombes après avoir attendu 4 ans. 25 Mai 44, on prévoit le jour où rien ne passera plus, on fait des réserves de pâtes et de haricots. 6 juin 44, j'ai une infection des yeux. 19 juin 44, 4 ans aujourd'hui que j'étais fait prisonnier. 20 Juillet 44, rien ne passe plus, c'était inévitable. Puisque rien ne passe plus, nous n'avons plus de lettres. En 1995 pour le cinquantième anniversaire de la libération, le Père Amédée raconte dans le journal << la presse de la Manche >> du 19 Mars, comment se sont passés les derniers mois de captivité. La grande préoccupation des prisonniers c'était de savoir qui des russes ou des américains allaient les libérer. Les américains étaient à 100 kms, les russes un peu plus près. Sans doute pour éviter des frictions entre les deux armées, les américains s'arrêtèrent sur le bord de l'Elbe et au mois d'Avril les russes libéraient le camp de Spandau. Les prisonniers avaient creusé des abrits dans le sol sablonneux du camp. Les combats furent violents entre les troupes de choc russes et les allemands retranchés dans les maisons et les << jeunesses hitlériennes >> se sacrifiaient avec fanatisme.
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Lettre à son Père
Bricquebec, le 04 Septembre 1945
Bien cher père,
Peut-être vous êtes vous demandé ce que je faisais en Normandie et pour quel motif je séjourne si longtemps à Bricquebec, à l'abbaye NB de Grâce. Je ne peux vous laisser ignorer plus longtemps le secret que j'ai dans le cœur depuis 5 ans, le désir qui m'a travaillé pendant toute ma captivité et la grave décision que je viens de prendre. Depuis 1940 j'ai l'intention de me donner tout à Dieu dand la vie monastique et j'ai choisi la solitude et l'austérité de la Trappe.
Ne vous étonez pas, ne vous alarmez pas, j'ai beaucoup réfléchi, ce n'est pas de ma part un coup de tête mais un projet longuement préparé sous le regard de Dieu. J'ai beaucoup prié, j'ai vécu dans ma captivité des heures assez tragiques pour me faire apprécier le prix et le sens de la vie et comprendre qu'il n'y a rien d'autre à faire sur la terre que de préparer son éternité en se donnant ici bas tout à Dieu.
Sans doute je suis déjà religieux (et conserve pour l'institut des Frères une grande affection et une sincère reconnaissance) mais ce qu'il me faut c'est le don sans réserve de tout moi-même afin de me sanctifier vraiment et de sauver un plus grand nombre d'âmes, surtout celles qui me sont chères (parents et amis)
Depuis 1940, j'ai consulté des hommes sages et prudents, jugeant des choses selon Dieu et la ligne de conduite fixée a été celle-ci : dès que la chose sera possible, faire un essai de la vie de la Trappe >>
C'est ce que je fais ici depuis un mois avec l'autorisation du Supérieur Général des Frères, essai qui doit se continuer encore plusieurs mois.
Jusqu'ici je n'ai voulu en parler à personne, pas même à vous, car je devais chercher d'abord la volonté de Dieu.... Je commence à voir clair. Depuis un mois je mêne la vie des moines et suis décidé à continuer cet essai. Cette vie me plait à cause du don total qu'elle demande. Elle est austère sans doute, mais par là conduit à Dieu : vie de prière (récitation de l'office divin 7 fois le jour et la nuit ; vie de pénitence (silence continuel, jeûnes fréquents, travail des champs ; vie d'apostolat (les moines prient et se sacrifient pour sauver des âmes). Vie dans la solitude et la séparation complète du monde.
Plus de visites à la famille.
Lettres aux parents très rares et seulement quand le R.P.Abbé le permet. Désormais toutes les lettres que je reçois ou que j'écris sont vues par le Supérieur.
Ne vous étonnez pas si je vous écris rarement.
J'ai écrit au R.P.Jouvence pour lui parler de ma décision. J'écrirai aussi au Havre et à Allaire. Je vous prie de bien vouloir avertir Armand, Alfred, ma fillieule et Lézurlot (les deux maisons).
Je sais que ce sera pour beaucoup une surprise, un étonnement. Quant à moi, je fais ce qui me semble le mieux pour mon salut et ma sainteté, en même temps que pour le salut éternel de tous ceux que j'aime.
N'allez pas penser une minute que j'aie quelque chose contre l'institut des Frères. Bien au contraire, je l'aime toujours et lui resterai uni de cœur. Si l'essai prouve que la Trappe n'est pas ma voie, je reviendrai dans la congrégation du Père de la Mennais, d'ailleurs j'en fais toujours partie jusqu'au jour où je rentrerai vraiment au monastère. Je sais que parmi mes confrères certains ne comprendront pas. Qu'ils sachent que de mon coté, ce n'est pas sans regret, sans pincement au cœur que je quitte des amis chers que j'aime comme mes frères.
Durant mon dernier séjour en famille, j'ai voulu me montrer très gai et voir tout le monde, parce que d'abord la séparation avait été longue et l'on était si heureux de se revoir, mais aussi pour faire voir que mon caractère n'avait pas changé et restait aussi joyeux.....Mais je ne pouvais rien dire de mon projet, étant moi-même incertain.
Aujoud'hui, bien cher père, je vous ai parlé à cœur ouvert. Dans ce tournant important de ma vie, je tiens à vous consulter et demander votre approbation. Ecrivez-moi ce que vous en pensez (en écoutant votre foi). Priez pour que le bon Dieu me donne lumière et force .
Je demande pardon à tous ceux à qui ma décision fera de la peine. Il est des moments dans la vie où il faut tout sacrifier à Dieu et de grand cœur. De mon coté, le souvenir de tous ceux que j'aime vivra pour moi dans le cœur de Dieu et chaque jour je prierai pour vous tous.
Je vous embrase de tout cœur.
J.L Hallier
Abbaye N.D. de Grâce ......Bricquebec ....Manche.
Pendant la poursuite de votre lecture, vous pouvez librement écouter une musique monastique
MAUD
M= être réaliste, m'accepter tel que je suis
A= accepter les autres sauf à les rendre <<hérisson>>
U= univers, le tout, y rentrer par le cœur et l'esprit
D= Dieu au dessus de tout, alpha et oméga
DIEU
D = décentre, déborde, déconcerte, dépasse
I = Infini, impensable, inimaginable, inouï
E = expérience, esprit, éternité, eucharistie
U= unité coute que coute
Jean Louis farceur avec une anguille Pour 25 ans de sacerdose (lit en portefeuille et soupe de lait)
19-
Plus les années s'écoulent, plus nombreux ceux qui peuvent témoigner, si bien qu'il à crée un courant << Vous ne connaissez pas l'abbaye de Bricquebec ? il faut y aller c'est super >>
Beaucoup de journées-rencontres des différents mouvements qui fleurissent après le concile sont acceuillies à l'abbaye et même les circuits touristiques font étape à l'abbaye, si bien qu'un conseiller général intervient auprès du préfet et ces messieurs décident que l'on va attribuer au frère Amédée la médaille d'argent du tourisme, c'était en 1993.
A sa famille qui voudrait bien le voir honorer de sa présence une importante réunion réalisée autour d'un arbre généalogique, il répond << j'ai déjà un titre <<trappiste-touriste qui me suggère de rester sage en ma trappe >>.
A sa famille il fera pourtant quelques concessions. Il avait quitté Bricquebec pour prêcher une retraite aux trappistines de Campénéac. En guise de récréation, il revint voir son pays d'origine. Il arpenta à pied le bourg des Fougerêts, croisa une de ses parentes qui ne le reconnut pas . Il fit demi tour, la croisa à nouveau sans plus de réaction. Il s'en vint à Peillac dans son village, là où s'est passé sa jeunesse, on ne le reconnaît pas davantage. Au Frénot, la fermière se dit << tiens voilà un monsieur égaré >> à la Piaudais, sa cousine germaine << j'ai vu passer un monsieur qui cherchait son chemin >> il s'en retourna sans avoir enfreint la règle du silence.
Mais rentré à Bricquebec, il écrivit à sa famille, lui racontant en détail ce qu'il avait vu, la réaction de la parenté fut unanime : << il n'a pas changé, c'est bien lui, il est si content quand il a joué un bon tour >>.
Dans une autre circonstance le frère Amédée revint à Peillac à l'occasion d'une prédication dans la région. Ce fut le mercredi 17 Août 1977. Il dit toute sa joie de célébrer la messe dans l'église de son baptême à l'occasion de ses 25 ans de sacerdose. Les prêtres, religieux et religieuses de Peillac étaient réunis avec la famille et les amis.
En nous quittant il disait : << un jour nous nous retrouverons ...Nous serons dans la FETE pour toujours. En attendant soyez joyeux, priez sans cesse et de toute votre vie << faites eucharistie >>
20-
Autour des années 1990, un visiteur assidu du frère Amédée était un psychiatre de Cherbourg, marié et père de famille, qui cherchait à approfondir les méandres de l'esprit humain et il appréciait beaucoup les ouvertures spirituelles que lui proposait un trappiste à la fois dynamique dans ses activités et heureux dans sa relation avec Dieu. Il y avait au delà de la psychologie humaine un vaste domaine où la foi en Dieu favorisait l'équilibre.
Il avait formé le projet d'engager le frère Amédée dans la rédaction d'un livre proposant le cheminement humain et spirituel. Notre trappiste hésitait : à quoi bon un livre de plus....et puis c'est un sujet délicat....et puis à mon âge.
Mais le père Abbé, gagné par le psychiatre, conseilla de s'y mettre. Alors en quelques heures le frère Amédée proposa un plan, ensuite une méthode : le psychiatre (40 ans ) le moine (82 ans) chacun dans son domaine en évitant d'être théorique pour proposer des vues pratiques au service de l'homme. C'est ainsi que prendra corps le livre << Le moine et le psychiatre >> qui sort en 1995.
21-
Les moines de Bricquebec au temps où les vocations manquaient pas, déléguèrent quelques uns de leurs moines pour aller fonder une abbaye nouvelle au Japon. Cette fondation fut prospère et engendra d'autres abbayes << filles de Bricquebec >>
En 1996, du 9 Novembre au 12 Décembre, le frère Amédée fut désigné pour aller les visiter. Comme il le disait gentiment lui-même << cela m'a donné une idée des voyages du Pape >> On descend d'un gros avion pour en reprendre un petit qui se pose là où vous attend un taxi et c'est ainsi que successivement il va visiter 6 abbayes de cisterciens au Japon, faire des conférences matin et soir et recevoir des visites.
Du Japon, il va aller en Corée voir une abbaye de trappistines. Quand il rentre, il est fatigué et les signes de la maladie de Parkinson s'amplifient.
Cependant le père Abbé le nomme prieur le 24 Décembre 1996.
NOCES D'OR SACERDOTALES
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Il avait été ordonné prêtre le 05 Août 1952. Il voulut remercier Dieu pour 50 ans de grâces.
L'invitation qu'il envoya disait :
<< Ce sera une fête sans caractère officiel, une fête de famille dans la liberté et la joie? A chacun son choix : venir cette année ou les années suivantes. La fête des 90 ans qui sera le 25 Mars 2003 ou la fête de l'Envol vers la joie de Dieu.
Il y aura la messe à 11 h
et le repas festif dans la simplicité et le bonheur >>
Jean Louis découpe du fromage "La Providence" Jean Louis serveur
Il eut la joie d'acceuillir bon nombre de ses parents et amis et avec eux de chanter les miséricordes de Dieu.
Dans les mois qui suivirent, il reprit son travail autant que ses forces le lui permettaient, essayant de dire "" oui "" quand on le sollicitait. Un seul n'avait pas droit à cet acceuil, c'était son médecin qui s'entendait répondre "" non "".
Dans ses derniers jours - 3 jours avant sa mort - il corrigeait encore son texte sur le Rosaire dont on peut espérer la parution.
Chose remarquable, il y propose d'ajouter la médation des ""mystère lumineux ""alors que le Pape à ce moment n'avait encore rien publié, mystérieuses convergences de l'Esprit !
Lui qui avait tant cultivié la soumission à Dieu, lui qui voulait répondre ""oui "" quand Dieu l'appellerait. Il a du affronter quelques heures pénibles d'inquiétudes. Il demanda des prières et que l'on fit venir son confident Don Colomban. Il retrouva rapidement la paix pour l'offrande dernière de sa vie.
Il est mort le 06 Novembre 2002
Ses funérailles furent célébrées le vendredi 8 Novembre . Il avait demandé que cela ne soit pas triste, il partait pour la joie.
Le père Abbé souligna le caractère de cette vie donnée en affirmant que c'est un véritable tour de force qu'il réalisait en permanence.
- Etre à la fois fidèle aux exigences de la vie monastique par une assiduité aux prières et aux offices.
- Etre en même temps fidèle à son emploi au service de tous ceux qui venaient à l'abbaye.
Il aimait les formules percutantes pour provoquer à la génrosité envers Dieu.
Il acceuillait tout demandeur car il y voyait une âme capable de mieux aimer son créateur.
Au cimetière de l'abbaye, tous furent logés à l'enseigne de la mortification tant la pluie normande dispensée par Dieu fut abondante, tandis que selon l'usage des trappistes, on inhumait le corps à même la terre.
Après la cérémonie, le Père Abbé distribua un dessin humoristique (œuvre d'un neuveu de l'Abbé). On y voyait le frère Amédée sautant de nuage en nuage pour aller vers St Pierre en lui disant "" Vive la fête "", tandis que derrière lui son ancien abbé ""Dom René "" rappelé à Dieu quelques mois plus tôt se réjouit de le voir arriver . Quant à St Pierre, il se pose des questions, c'est qu'il voit lui arriver un trappiste d'un modèle spécial gardant devers lui l'auxtérité d'un moine de la stricte observance et laissant éclater au dehors une cordialité débordante. Dans la maison du Père (c'est Jésus qui le dit) qu'il a du bien vite lui trouver cette place qui lui était préparée !
Vous la Haut qui êtes à la fête, n'oubliez pas ceux qui sont à la peine ici bas !
Texte de l'abbé joseph Voisin d'après des documents conservés dans la famille
Pour ces 50 ans de sacerdose Jean-Louis découvre ses cadeaux On " baira ça quand on sra vieux "
Date de dernière mise à jour : 19/11/2021